
Ce qu’il faut retenir
L'économie française stagne, en l'absence de moteur. Ni la consommation, ni l'investissement, ni les dépenses publiques, ni les exportations ne jouent ce rôle.
L'accumulation d'épargne, surtout par les ménages très aisés, contribue à cette non-croissance.
Une politique d'austérité aggraverait le mal, et donc le chômage ainsi que l'appauvrissement d'une grande partie de la population.
Les prix semblent globalement stabilisés mais à un niveau très élevé, ce dont souffrent les classes populaires et moyennes.
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La situation de la France s'est dégradée
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La situation économique de la France s'est beaucoup dégradée ces dernières années et de ce fait elle se distingue de la plupart des pays européens qui vont relativement mieux tels que l'Espagne et dans une moindre mesure l'Allemagne, quels sont les indicateurs ?
- la consommation des ménages français fléchit ;
- l'investissement des entreprises mais également des ménages en matière de logement ne joue plus un rôle de moteur dans l'économie ;
- la crise du secteur de la construction se poursuit ;
- le commerce extérieur qui a constitué un facteur de croissance en 2023 / 2024, repasse en négatif ;
- seule la constitution de stocks ainsi que la consommation des administrations vont permettre (selon les estimations de l'Insee) d'échapper à la récession en 2025.
Mais ces stimulants ne suffisent pas pour sortir le pays de la stagnation et par conséquent pour éviter une nette remontée du chômage !
Parmi les causes de ce marasme, une est particulièrement pointée du doigt, c’est l'accumulation de l'épargne.
Une autre est beaucoup moins citée, c'est la faible revalorisation des salaires et des prestations sociales, qui ne permet pas de relancer le pouvoir d'achat et donc la consommation populaire.
Bien entendu, la cure d'austérité qu’annonçait le gouvernement Bayrou et qui sera probablement le projet d’un futur gouvernement aggraverait encore inévitablement la situation. L'impact des mesures annoncées, qui visent le redressement des finances publiques, serait limité, voire réduit à néant, par les conséquences de la récession ainsi provoquée.
Si on ne peut guère compter sur les débouchés extérieurs, un raffermissement de la demande intérieure en France (et si possible des pays voisins) sera nécessaire pour ne pas sombrer dans une crise récessive.
Un dispositif de relance efficace devra se distinguer des stratégies aveugles du passé, et miser sur une reprise de la consommation et de l'investissement à la fois productif, écologique et en direction des services publics, pour répondre aux besoins croissants de la population.
Il faudra donc aller chercher l'argent là où il est en imposant un effort fiscal significatif aux ultra-riches. Parallèlement, offrir de meilleures perspectives de pouvoir d'achat aux salarié∙es et aux classes populaires permettrait de sortir de la grisaille économique et sociale.
Variations trimestrielles et annuelles en %
2025-T1
2025-T2
2025-
T3
2025-T4
2023
2024
2025
Produit Intérieur Brut en volume
0,1
0,2
0,2
0,2
1,6
1,1
0,6
Dépenses de consommation des ménages
-0,2
0,2
0,4
0,3
0,7
1
0,7
Dépenses de consommation des administrations
0,2
0,3
0,3
0,3
1,5
1,4
1,2
Formation brute de capital fixe : Entreprises non financières
0,2
-0,2
-0,1
-0,1
2,8
-2,4
-0,8
Formation brute de capital fixe : Ménages (Logement)
0,1
0
-1,1
-0,4
-7,7
-5,6
-0,6
Contribution à la croissance : demande intérieure hors stocks
-0,1
0,2
0,2
0,2
1
0,6
0,5
Contribution à la croissance : variations de stocks
1
-0,3
-0,1
-0,1
-0,3
-0,8
0,8
Contribution à la croissance : commerce extérieur
-0,8
0,1
0,3
0,2
1
1,3
-0,7
PIB hors variations de stocks
-0,9
0,5
0,3
0,3
1,9
1,9
-0,2
Source Insee note de conjoncture juin 2025 (sauf la dernière ligne, déduite de ce qui la précède) https://www.insee.fr/fr/statistiques/8594943
Les premières estimations des comptes nationaux pour le second semestre ne modifient qu'à la marge ces prévisions. La principale modification est due aux variations de stocks, principalement par l'aéronautique. Il en résulte, comptablement, que le PIB hors variations de stocks aurait baissé pour le deuxième trimestre consécutif. En tout cas, on reste aux alentours immédiats de 0...
Remarque : la note de conjoncture de l'Insee donne une large place aux émissions de gaz à effet de serre, qui seraient en baisse, mais il est important de préciser que cela est notamment dû à la stagnation de l'activité économique.
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Réflexions sur l'épargne
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La pandémie avait fortement pesé sur la consommation. De ce fait, les ménages, surtout des classes très aisées, ont accumulé de l'épargne. Ils continuent depuis.
Le taux d'épargne atteint ainsi un niveau historiquement élevé. C'est d'ailleurs le titre de la récente note de conjoncture de l'Insee : « L'épargne des ménages au sommet ».
Ce qui est une préoccupation persistante, dans la mesure où cela contribue à la langueur économique. Cette épargne pourrait se dégonfler un peu au deuxième semestre mais restera très élevée.
Une partie des médias en a profité pour attaquer les retraité∙es prétendument trop riches et peu enclins à consommer suffisamment pour sauver l'économie française...
Cette accumulation d'épargne peut s'expliquer de plusieurs manières :
- l'épargne « de précaution » face à un avenir incertain (chômage, précarité, appauvrissement de nombreux retraités...) ou visant à thésauriser en vue d'une dépense future ou pour aider des proches ;
- l'effet dit « d'encaisse réelle » qui a pu pousser les détenteurs d'un patrimoine important, mais entamé par l'inflation de 2022 -2023, à le reconstituer ;
- la structure des revenus : quand les revenus des ménages sont constitués, pour une large part, de revenus de la propriété et de l'entreprise plutôt que de salaires et de prestations sociales, ces revenus sont plus volontiers épargnés que consommés ; selon l'Insee, cela a été le cas ;
- les taux d'intérêt croissants, qui ont caractérisé ces dernières années, découragent aussi la consommation (ainsi que l'investissement) et tendent à encourager l'épargne ;
- sans doute également, certains segments de consommation coûteux, comme par exemple les véhicules automobiles, sont-ils devenus dissuasifs pour une partie de la population, d'où des revenus non consommés, c'est-à-dire de l'épargne.
Il est à noter que les entreprises, là aussi considérées globalement, dégagent une capacité de financement, à défaut de développer des investissements suffisants.
Mais, bien sûr, ces constats et ces explications qui seraient imputables « aux ménages » ou « aux retraité∙es » ou encore « aux entreprises » ne valent qu'en moyenne ou, plutôt, pour seulement certains d'entre eux. Par exemple, ceux et celles des retraité∙es, nombreux∙ses, qui sont en-dessous du seuil de pauvreté ne sont certainement guère responsables de l'accumulation d'épargne dans le pays !
- Que deviennent les prix ?
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Après la forte inflation des années 2022-23, les prix se sont, dans l'ensemble, plutôt calmés. Mais la plupart d'entre eux ont atteint des niveaux très élevés et même s'ils semblent stabilisés, restent fort pénalisants pour beaucoup.
Pour s'y retrouver, il est utile de prendre un peu de recul et de ne pas se borner aux évolutions sur un mois ou même sur un an.
Une bonne référence est l'année 2015, base actuelle des indices de prix.
Postes de consommation
Variation des indices des prix en % sur 10 ans (2025/2015)
IPC Ensemble des ménages
21,6
IPCH Ensemble des ménages, harmonisé
25,2
Gaz naturel et gaz de ville
108,9
Tabac
93,6
Beurre
76,2
Journaux
65
Légumes frais
56,8
Assurance Habitation
47,5
Électricité
44,9
Gazole
39,2
Source Insee Indices des prix définitifs pour le mois de juillet 2025 Données détaillées https://www.insee.fr/fr/statistiques/8630006
Lecture : l'indice général des prix à la consommation a augmenté de 21,6% en 10 ans...
L'indice « harmonisé », plus proche de la réalité vécue par les consommateurs et plus conforme aux recommandations internationales est de 25,2%.
Les prix de l'électricité se situent plus de 40 % au-dessus de leur niveau d'il y a 10 ans. Les produits alimentaires à plus de 30% (Beurre +76,2%, Légumes frais : + 56,8%...). Beaucoup de ménages des classes populaires et moyennes éprouvent, de ce fait, de grandes difficultés.
Ils sont souvent contraints de se rabattre sur des produits de moindre qualité ou de se tourner vers des associations caritatives.
Pour les mois et les années qui viennent, l'Insee, la Banque de France et l'OFCE annoncent un retour modéré de l'inflation qui resterait toutefois en dessous de 2% à l'horizon 2027. Mais cela signifierait aussi que les prix resteront à un niveau élevé, notamment pour l'énergie et l'alimentation.
Les revendications de rattrapage des salaires et des prestations sociales restent donc tout à fait pertinentes. Elles sont même indispensables pour sortir l'économie française de la stagnation.
[Cette note reprend des éléments des notes de conjoncture de l'Insee et de la Banque de France (en juin) ainsi que de celle de l'OFCE (en avril). Elles insistent toutes les trois, à juste titre, sur les incertitudes encore plus fortes que d'habitude qui affectent les échanges internationaux et le cours des matières premières]