Au milieu de l'instabilité gouvernementale, les orientations budgétaires sont, elles, d'une très grande stabilité, avec un budget 2026 dans la droite ligne de ceux des dernières années : réduction du service public, mise à contribution du monde du travail et des plus modestes, pour réduire un déficit créé par des réductions d'impôts massives pour les plus riches et des aides publiques colossales aux grandes entreprises. La Cour des comptes actait pourtant récemment le manque à gagner dans le budget de l'Etat de 70 milliards de baisses d'impôts.
En 2026, en visant un déficit public de 4,7 % du PIB, ce budget prévoit un choc budgétaire (hors charge de la dette) supérieur à celui de 2025 (qui représente 1,2 point de PIB, alors qu’il est de 0,9 en 2025), près de 33 milliards d’euros à trouver entre recettes et dépenses publiques.
- Les recettes fiscales nettes de l’État progresseraient de 19,1 milliards d’euros, pour atteindre 372,9 milliards : gel du barème de l’impôt sur le revenu (qui entraîne une hausse d’impôt de 2,5 milliards pour les contribuables), progression mécanique de la TVA (+12,2 milliards du fait de l’inflation et de la consommation), et rendement accru de l’impôt sur les sociétés (+0,8 milliard). Ce sont donc les ménages et la consommation qui financent les deux tiers de l’ajustement.
- La « maîtrise » des dépenses dégagerait près de 14 milliards d’euros d’économies en volume.
Ce budget antisocial fait la part belle aux dépenses militaires (+ 7 milliards), absorbant à elles seules la quasi-totalité de l’augmentation des crédits de l’État, contrairement à de nombreux ministères qui seront impactés par des baisses de moyens : les crédits des ministères civils progressent en moyenne de seulement 1,1 %, alors que l’inflation prévue pour 2026 est de 1,3 %. Il s’agit donc d’une baisse en volume et donc de nouvelles coupes.
Ce budget austéritaire ne sera pas sans effet économique, puisque la réduction des dépenses publiques a des effets récessifs, avec pour conséquences une baisse des recettes qui annulera de facto une partie de l’effort budgétaire consenti.
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Le premier ministre a affirmé qu’il ambitionnait « une juste répartition des efforts » qu’en est-il ?
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Ce sont les ménages qui paient : des crédits et réductions d'impôts sont supprimés (ex : la réduction d'impôt pour frais de scolarité) et « la simple » non-revalorisation du barème de l'impôt sur le revenu se traduira par une augmentation d'impôts de 2,5 milliards d'euros pour l'ensemble des contribuables, d’autant plus délétère que le PLFSS prévoit un gel des pensions et des prestations sociales. Les plus modestes seront les plus impactés.
Par exemple, en 2024 une personne ayant un revenu de 11 495 euros n’a pas payé d’impôt sur le revenu (IR), car le seuil de la première tranche était fixé à 11 497 euros.
Si, en raison d’une très légère augmentation de salaire, son revenu annuel passe à 11 550 euros en 2025, elle sera redevable de l’IR en 2026, du fait de la non-revalorisation annuelle classique du barème.
Les grandes entreprises sont épargnées : la niche fiscale la plus coûteuse, le Crédit Impôt Recherche (7 milliards d'euros par an) reste, bien que de nombreuses études en démontrent l'inefficacité. A cela s’ajoute l'accélération de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont la suppression totale est prévue en 2028, et la division par deux de la surtaxe sur les bénéfices des grandes entreprises, qui rapportera donc 4 Milliards au lieu de 8.
Les plus riches aussi : pas de taxe Zucman ni de retour d’un véritable impôt sur la fortune, pas de suppression de la « flat tax » (prélèvement forfaitaire de 12,8% sur les revenus financiers), alors que les revenus du travail peuvent être imposés jusqu’à 45%. La Contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) mise en place en 2025 est simplement reconduite : elle ne touche que 16 300 foyers (un quart des contribuables déclarant plus de 250 000 euros de revenus annuels) et rapporte seulement 1,2 milliard d’euros. Seule nouveauté, une taxe de 2% sur les holdings patrimoniales qui détiennent des actifs d'une valeur d'au moins 5 millions d'euros, qui épargne 95% du patrimoine des plus riches et devrait rapporter entre 1 et 1,5 milliard, loin des 15 à 20 milliards de la taxe Zucman.
Le gouvernement met par ailleurs les justiciables à contribution : 50 euros seraient versés par celui ou celle qui intente une procédure devant la justice, un retour au "droit du timbre", qui a existé un certain temps devant les tribunaux et s'élevait à 35 euros.
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Un État qui recrute trop peu pour le service public et affaiblit encore les effectifs pour la transition écologique
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Le gouvernement affiche une stabilité apparente des effectifs publics, mais les chiffres montrent une baisse réelle de l’emploi public, avec des créations ciblées dans les ministères régaliens compensées par des suppressions massives ailleurs.
- L’État crée 8 459 postes mais en supprime beaucoup, par exemple 600 à Bercy en contradiction avec un prétendu renforcement de la lutte contre la fraude ;
- Les opérateurs publics en perdent 1 735 ;
- Les caisses de sécurité sociale perdent 3 000 postes.
Alors que la Cour des comptes vient de publier un rapport rappelant que la poursuite des politiques publiques à leur niveau actuel ferait perdre 11,4 points de PIB à l’économie à l’horizon 2050, le projet de budget prévoit de continuer à supprimer des emplois affectés aux questions climatiques et environnementales.
Ministère / Mission
Évolution d’emplois (ETP)
Action et comptes publics
–565
Agriculture, agro-alimentaire et souveraineté alimentaire
–60
Aménagement du territoire et décentralisation
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Armées et anciens combattants
+800
Culture
–41
Économie, finances et souveraineté industrielle, énergétique et numérique
–33
Éducation nationale
+5 400
Enseignement supérieur, recherche et espace
0
Europe et affaires étrangères
0
Intérieur
+1 550
Justice
+1 600
Outre-mer
–
Santé, familles, autonomie et personnes handicapées
+132
Services du Premier ministre
+1
Sports, jeunesse et vie associative
–26
Transition écologique, biodiversité et négociations internationales sur le climat et la nature
–216
Transports
–
Travail et solidarités
–29
Ville et logement
–291
Total État
+8 459
Opérateurs de l’État (ensemble)
–1 735
Total général (État + opérateurs + caisses)
–3 119
Alors que la Cour des comptes vient de publier un rapport rappelant que la poursuite des politiques publiques à leur niveau actuel ferait perdre 11,4 points de PIB à l’économie à l’horizon 2050, le projet de budget prévoit de continuer à supprimer des emplois affectés aux questions climatiques et environnementales.
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Effets sur les collectivités locales
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La contribution des collectivités serait de 4,7 milliards (5,2 milliards dans le budget Bayrou) :
- gel de la Dotation globale de fonctionnement allouée aux collectivités les moins aisées ;
- extension du lissage des recettes fiscales (Dilico) : - 2 milliards (720 millions pour les communes, 500 pour les EPCI, 280 pour les départements et 500 pour les régions) ;
- + 3 points de cotisation au régime de retraite des fonctionnaires territoriaux : 1,4 milliard ;
- réduction du fonds vert : - 500 millions ;
- baisse des moyens alloués aux agences de l'eau : - 90 millions ;
- baisse de crédits l'Agence nationale de l'habitat : - 700 millions.
Les mesures pénalisant les territoires approchent les 8 à 10 milliards d'euros en prenant en compte les Outre-mer, ce qui affectera le financement des projets des collectivités et celui des associations locales, jouant pourtant un grand rôle dans la cohésion sociale du pays.
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Impact pour les territoires des mesures de restriction sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS)
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Alors que les parlementaires avaient voté une enveloppe de 26.7 millions dans le PLF pour 2025, le PLF 2026 réduit à 12.3 millions d’euros le financement public de l’ESS : - 54% et des effets dévastateurs :
Affaiblissement des fonctions essentielles de l’ESS pour les territoires dans lesquels elle conjugue développement économique, lutte contre l’exclusion, responsabilité écologique, elle apporte des solutions à des besoins non satisfaits par les collectivités (associations d’aide à domicile ou de petite enfance, services accessibles à tous, alimentation durable, les circuits courts, économie circulaire, réemploi, mobilités douces…).
Impact socio-économique : ce secteur créateur d’emplois non délocalisables contribuant à l’insertion par l’activité économique de personnes éloignées de l’emploi est menacé, avec 90.000 emplois associatifs en danger, et des conséquences démocratiques et sociales violentes par l’abandon d’actions en soutien à des personnes vulnérables qui font vivre les solidarités dans nos territoires.
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Le calendrier parlementaire prévisionnel
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A l’Assemblée nationale
Sur son volet recettes :
- En commission des Finances du lundi 20 octobre 2025 au 23 octobre 2025 ;
- En séance plénière à partir du vendredi 24 octobre pour un vote le 4 novembre.
Sur son volet dépenses :
- En commission des Finances du 4 au 10 novembre ;
- En séance plénière jusqu’au 23 novembre.
Au Sénat, le projet de loi de Finances sera examiné du 24 novembre au 10 décembre 2025.