Mémo éco - 73 milliards d’euros de profits en un semestre pour le CAC 40, qui dit mieux ?

Publié le 30 aoû. 2022
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Comme nous l’avions signalé l’an dernier[1], les résultats du CAC 40 du premier semestre 2021 étaient exceptionnels et avaient battu tous les records. Or, on dit que les records sont faits pour être battus. Et de fait, les résultats de 2021 n’étaient rien par rapport à ceux de 2022 qui viennent d’être publiés.


 [1] Voir mémo éco – Bénéfices du CAC 40 : « de quelle crise parlez-vous ? »

Les profits montent de façon indécente

Pour les 38 sociétés du CAC 40 (Pernod-Ricard et Alstom on des exercices décalés) ayant publié leurs résultats semestriels, les bénéfices du premier semestre s’élèvent à 73 milliards. C’est 26% de plus qu’en 2021 qui était déjà une année exceptionnelle, de « rattrapage » après 2020. Si on compare à 2019, la dernière année de référence avant la crise sanitaire, la hausse est de 70% en 3 ans.

 

Pourtant, ces résultats tiennent compte de nombreuses pertes effectuées lors du retrait d’activités en Russie. Sans ces éléments non-récurrents, les résultats seraient encore plus importants. L’impact est estimé à 15,8 milliards d’euros. On peut d’ailleurs penser que certaines entreprises ont un peu gonflé ces pertes estimées.

 

Par exemple TotalEnergies a comptabilisé des pertes s’élevant à 7,3 milliards d’euros, cela lui permet de minimiser son résultat actuel[1], déjà indécent avec plus de 10 milliards d’euros de bénéfices en un semestre, pour limiter le débat sur les profiteurs de crise.

 

Sans ces charges exceptionnelles, les bénéfices pour le premier semestre se seraient élevés à 87 milliards d’euros soit deux fois plus qu’en 2019.

 

Seulement quatre groupes affichent des pertes. Pour Worldline, Renault et la Société Générale, ces pertes s’expliquent uniquement par la cession d’activités en Russie. Pour Safran, c’est la baisse de l’euro par rapport au dollar qui lui coûte cher. Sans cela, ces sociétés elles seraient assez largement en bénéfice. On retrouve d’ailleurs des marques de satisfaction dans la communication de ces entreprises par rapport à leurs résultats.

 

A peine 10 sociétés voient leur résultat semestriel baisser, souvent du fait de coûts liés à la réorganisation ou cession des activités en Russie. Pour le reste, les résultats sont en hausse, assez largement parfois. En effet, près de la moitié des sociétés du CAC 40 ayant publié leurs résultats semestriels ont vu leurs profits augmenter de plus de 25% par rapport au premier semestre 2021.


[1] S’il s’avère que la perte comptabilisée était trop importante, TotalEnergies devra reprendre une partie de ces pertes, ce qui gonflera alors son résultat du moment

Quelle utilisation de ces bénéfices ?

Augmentation des salaires pour faire face à l’inflation, baisse des prix pour ne pas alimenter l’inflation, investissements pour lutter contre le dérèglement climatique, ce ne sont pas les dépenses socialement utiles qui manquent. Pourtant les termes qu’on retrouve le plus dans les communiqués de presse des sociétés du CAC 40 sont « rachat d’actions »[1]. Pour ne citer qu’eux, Axa a annoncé le rachat de ses propres actions pour 1 milliard d’euros, TotalEnergies prévoit 2 milliards de dollar de rachats d’action au 3ème trimestre après 3 milliards sur le premier semestre.

 

Le risque est également de voir les dividendes augmenter massivement en 2023 (les dividendes 2023 portent sur les résultats 2022). Certaines entreprises comme TotalEnergies ont déjà annoncé une augmentation de 5% de leurs dividendes.

Des résultats qui plaident pour la taxation des superprofits

Alors que les menaces de récession refont surface, ces résultats dénotent avec l’ambiance morose quasi généralisée. C’est une nouvelle preuve que l’inflation actuelle n’a rien à avoir avec l’augmentation des salaires tel qu’on veut nous le faire croire en parlant de « boucle prix-salaires ». En réalité c’est à une « boucle prix-profits » que nous devons faire face. Malgré les difficultés en termes de production, les sociétés, guidées par leurs actionnaires, tiennent absolument à conserver leurs marges, voire à les augmenter comme en témoignent ces résultats.

 

Ces résultats démontrent que les grandes entreprises ont dans un premier temps largement les moyens de ne pas répercuter sur les prix l’augmentation des coûts de production. On peut ainsi lire dans Les Echos que « Les grandes entreprises françaises ont réussi à défendre leurs marges en répercutant les hausses de coûts à leurs clients. », difficile de faire plus clair.

 

Secondement, elles ont les moyens d’augmenter les salaires pour suivre l’inflation.

Conclusion

Les résultats triomphant de ces sociétés ne s’expliquent que par leur capacité à dicter leurs choix aux salarié-e-s, aux plus petites entreprises, aux clients et aux pouvoirs publics. Il est indispensable d’inverser le rapport de force. L’Etat en a les moyens, à condition de vouloir se les donner.

 

Une partie de ces bénéfices s’est faite en profitant des conséquences de la guerre en Urkaine, c’est le cas pour TotalEnergies et Engie par exemple. Il apparait plus que légitime de taxer ces super-profits et les redistribuer à celles et ceux qui aujourd’hui souffrent de l’inflation. C’est une question majeure de justice sociale comme l’a rappelé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guteres qui a pointé du doigt l’immoralité de ces profits.

 

Par souci de comparaison, la loi pouvoir d’achat discutée pendant des mois et censée sauver les français-e-s face à l’inflation porte sur 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaire. C’est donc moins de 30% des profits semestriels du CAC 40 qui ne profiteront qu’à une poignée de personnes.

Repère revendicatif