Mémo éco - L’extrême-droite, facho mais pas fâchée avec le capital !

Publié le 20 avr. 2022
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Le second tour de l’élection présidentielle opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Cette dernière doit sa qualification au second tour grâce à des scores relativement importants chez les classes populaires. Ainsi, selon un sondage Ipsos[1], la fille de Jean-Marie Le Pen arriverait première chez les personnes dont les revenus du foyer sont inférieurs à 1250€ avec 31% des suffrages parmi les votants (34% de ces personnes se sont abstenues).

La candidate d’extrême-droite est arrivée à ces scores en recouvrant son programme d’un vernis social, vernis qui s’écaille rapidement dès qu’on se penche concrètement sur les mesures proposées. Fidèle à son histoire, l’extrême-droite est en réalité dévouée au libéralisme et aux intérêts des plus riches.

Voici ici l’analyse des principales mesures économiques du programme de Marine Le Pen qui appuie ce constat.

Baisse impôts de production, suppression de la CFE

A chacun son « impôt de production » (qui rappelons-le, est une catégorie créée de toute pièce) à supprimer. Pour Emmanuel Macron, c’est la CVAE (contribution sur la valeur ajoutée des entreprises), pour Marine Le Pen c’est la CFE (Contribution foncière des entreprises). Comme toute libérale, la candidate du RN pense que le problème vient toujours des impôts et que la solution passe donc par leur suppression, sans jamais penser aux conséquences de cette suppression sur la qualité des services publics, la redistribution des richesses,etc

Marine Le Pen prétend défendre les TPE-PME avec cette mesure, mais comme nous l’avons déjà souligné[1]  les TPE/PME souffrent surtout du coût du capital, imposé par les établissements financiers et les grands propriétaires fonciers. C’est bien plus cet étau du capital qui les presse, pour certaines, que les impôts.

Elle ne remet pas en cause les centaines de milliards d’euros d’aide aux entreprises et aux plus riches

Allégement des frais de succession

De manière générale, Le Pen n’a rien à dire sur les grandes fortunes, l’explosion des inégalités, la concentration des richesses et les inégalités de patrimoines (rappelons que les 10% les plus riches détiennent la moitié du patrimoine total en France).

En ce qui concerne les frais de succession, voilà encore un projet d’accord entre les deux candidats, l’abaissement des frais de succession.

Les deux projets ont quelques différences sur le plan technique mais la philosophie et le résultat est le même.

En effet, Marine Le Pen propose que l’abattement de 100 000€ par donation entre parents et enfants soit renouvelé tous les 10 ans, au lieu de 15 ans actuellement.

Comme nous le rappelons dans un article de la Lettre éco de février/mars, un couple avec 2 enfants peut déjà transmettre un patrimoine de 2 millions d’euros sans payer un seul centime d’impôt. Avec la mesure de la candidate libérale, ce chiffre passerait à 3 millions d’euros transmis sans aucun impôt. Et cela est sans compter que le programme de la candidate contient aussi l’exclusion de l’assiette de 300 000€ de patrimoine immobilier.

Pouvoir transmettre plus de 2 millions d’euros de patrimoine sans payer d’impôt n’est certainement pas la préoccupation principale des français-e-s, notamment des plus modestes.

La candidate de l’ex-Front National va encore plus loin en annonçant une exonération totale des droits de succession pour les transmissions d’entreprise. Ces dernières font déjà l’objet d’un régime fiscal très favorable. Les différents rapports sur le sujet mettent d’ailleurs en avant que ces dispositifs dérogatoires nuisent fortement à la progressivité de l’impôt sur les successions et sont vecteurs de fortes inégalités.

Marine Le Pen et ses équipes semblent faire fi de ces rapports. C’est bien dommage puisque celui du CAE[1] par exemple défend plutôt une augmentation des droits de successions, ciblées sur les plus fortunés et une remise en cause des dispositifs d’exonérations qui profitent essentiellement aux plus riches. Cela pourrait rapporter une dizaine de milliards d’euros aux finances publiques tout en profitant ou sans pénaliser 99% des héritiers.


[1] Conseil d’Analyse Economique, Repenser l’héritage

Suppression de l’impôt sur le revenu des moins de 30 ans

N’étant pas à une mesure pour les plus riches près, Marine Le Pen promet la suppression totale de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans.

Cela profiterait surtout aux salarié-e-s qui ont pu atteindre un bon niveau de rémunération relativement jeunes, ce qui est loin d’être le cas de la majorité. On voit mal comment les classes populaires bénéficieraient des réductions d’impôts sur le revenu pour les diplômés d’HEC.

Supprimer un impôt progressif (même si l’Impôt sur le revenu pourrait être plus progressif) et reporter cette charge sur des impôts moins progressifs ou bien faire peser ces économies sur la qualité des services publics c’est en revanche s’en prendre aux populations les moins aisées.

L’objectif est clair, choyer les jeunes les plus diplômés et les plus aisés pour qu’ils restent en France et faire peser ce poids sur les plus modestes comme s’ils devaient se sacrifier pour conserver leurs « élites ».

Lutte contre la fraude [1]

Marine Le Pen dit vouloir s’attaquer à la fraude, ce qui est une bonne nouvelle en apparence. Pourtant, on s’aperçoit rapidement qu’il n’est nullement question de la fraude fiscale mais seulement de la fraude aux prestations sociales qui est pourtant plus de 40 fois moins importante que la fraude fiscale. Pire, rappelons que la véritable fraude sociale est le fait des employeurs qui ne déclarent pas leurs salariés (notamment les travailleurs migrants, principale cible de Le Pen). La fraude aux cotisations est estimée entre 7 et 8,5 milliards d’euros tandis que la fraude aux prestations est estimée à 2,3 milliards[2]. Mais là encore, l’extrême droite, ennemie des classes populaires, ne souhaite pas s’attaquer aux puissants.  Elle préfère, à l’encontre de toute rationalité économique, se concentrer sur la traque des plus pauvres, au point de créer un ministère dédié à cela.

Nul besoin d’en arriver là. Il faut rappeler que la baisse des effectifs de la Direction générale des finances publiques s’est traduite très concrètement par des milliards d’euros en moins de rattrapage de fraude fiscale[3]. Les services existent, il faut leur donner les moyens humains et légaux d’agir, à condition de vouloir vraiment s’attaquer à la fraude fiscale et aller chercher l’argent là où il est. Marine Le Pen, c’est donc Robin des Bois à l’envers ; on chasse la fraude des petits (qui ne coûte rien) et on laisse passer les crimes en cols blancs, bien plus coûteux.


[1] Voir article Lettre éco : Lutte contre la fraude en France : faible avec les forts et vice versa 

[2] https://www.alternatives-economiques.fr/10-graphiques-ont-marque-2021/00101656

[3] http://www.financespubliques.cgt.fr/file/8922/download?token=V5O4Z_-n

La retraite à 60 ans, vraiment ?

Marine Le Pen tente de se distinguer en évoquant la retraite à 60 ans, là encore ce n’est qu’un leurre. Le départ à 60 ans serait possible selon des conditions très restrictives, parmi lesquelles avoir commencé à travailler avant 20 ans (avec une définition bien précise excluant notamment les travaux saisonniers) et avoir validé 40 annuités. Cela exclue donc les carrières hachées par exemple.

Lorsque les journalistes demandent à Marine Le Pen si cela ne va pas coûter trop cher, la candidate d’extrême droite se trahit elle-même en expliquant que non, ça ne coûtera pas cher puisque les critères qu’elle souhaite retenir sont très restrictifs, autrement dit personne ne sera concerné par cet âge légal.

Bien sûr que la retraite à 60 ans généralisée a un coût, qui implique une autre répartition des richesses et des ressources suffisantes, ce que Marine Le Pen ne conçoit bien sûr pas. Elle est donc revenue rapidement sur ses ambitions pour satisfaire le capital.

Il est donc totalement abusif de penser que la candidate nationaliste reviendra sur l’âge légal de 62 ans. C’est au mieux un leurre, au pire un mensonge.

Suppression de la redevance audiovisuelle

Tout comme Emmanuel Macron, la candidate d’extrême-droite prévoit de supprimer la redevance sur l’audiovisuel. Elle va même plus loin que son adversaire puisqu’elle ne souhaite pas doter l’audiovisuel public d’autres ressources mais tout simplement le privatiser.

A l’heure où la concentration des médias est plus forte que jamais, attaquer le service public de l’audiovisuel est d’une profonde gravité.

Aujourd’hui, une poignée de milliardaires dominent l’audiovisuel, ce qui est un véritable problème en matière de démocratie. L’audiovisuel par les milliardaires se fait nécessairement au service des intérêts dominants, et contre les salarié-es.

Cela empêche un débat public de qualité et l’émergence de discours en contradiction avec les intérêts des grandes fortunes (en témoigne l’omniprésence de l’extrême-droite sur Cnews ou encore C8, chaines détenues par Vincent Bolloré). Preuve, s’il en fallait encore, que les milliardaires s’acoquinent très bien à l’extrême-droite, conscients qu’elle ne remettra jamais en cause le système qui leur permet d’accumuler de telles fortunes. Préférer le fascisme au mouvement social est un classique du patronat et des classes dominantes.

L’indépendance du service public de l’audiovisuel doit être assuré et renforcé, ce qui suppose de pérenniser ses ressources. On pourrait discuter cela dit de la redevance, qui frappe tous les budgets de la même manière, pour la remplacer par un impôt progressif et faire contribuer bien plus fortement les plus gros patrimoines.

Exonérations de cotisations patronales

La seule proposition de la candidate fasciste sur les salaires porte sur de nouvelles exonérations de cotisations patronales, comme s’il n’y en avait pas assez. Rappelons qu’au niveau du Smic il n’y a déjà plus aucune cotisation patronale Urssaf.

Marine Le Pen souhaite exonérer de cotisations patronales les augmentations de salaire de 10% et plus sur tous les salaires jusqu’à 3 smic.

Il semblerait que cela soit infaisable techniquement et juridiquement, mais concentrons-nous sur ce que cela dit de sa conception politique des choses.

Tout d’abord, c’est une prime pour les entreprises qui ont actuellement les salaires les plus bas, les comportements les plus nocifs et ont donc le plus de marge de progression. Mais pire que cela, cela montre la volonté de caresser le patronat dans le sens du poil et de ne surtout pas lui forcer la main. Ainsi le programme s’en tient à quelques incitations financières, qui coûteront au contribuable. Par ailleurs, Marine Le Pen a écarté toute augmentation du Smic, qui est pourtant du ressort du pouvoir exécutif.

Faire confiance au bon vouloir des entreprises n’a jamais été efficace pour aider les salariés dans le rapport de force pour gagner des augmentations générales de salaires.

Pas étonnant de voir ensuite des dirigeants d’organisations patronales affirmer que dans les programmes des deux candidats « il n'y a pas de mesures anti-entreprises mais plutôt un regard bienveillant sur les entreprises et les PME ».

Entre le capital et le travail, l’extrême droite a toujours choisi son camp, celui du capital.

Remplacement de l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune financière

Marine Le Pen souhaite supprimer l’impôt sur la fortune immobilière pour le remplacer par un impôt sur la fortune financière. On peut déjà critiquer l’idée d’exclure le patrimoine immobilier de l’assiette imposable au vu de la concentration de ce patrimoine mise en avant par l’Insee[1].

La candidate dit vouloir lutter contre la spéculation financière, un objectif louable en soi même si on peut penser qu’une taxe sur les transactions financières serait bien plus efficace puisqu’il est très simple, pour les grandes fortunes, de localiser leur patrimoine financier dans des paradis fiscaux. Mais s’attaquer aux grandes fortunes semble très loin des préoccupations de la représentante de l’extrême droite. En effet, les « biens professionnels » seraient exclus de l’assiette de son impôt sur la fortune financière. Pour simplifier, cela signifie que les actions des entreprises dans lesquelles les actionnaires exercent une influence importante ou ont une responsabilité sont exclues de l’assiette. Ainsi, par exemple, les actions LVMH de Bernard Arnault, qui constituent la majorité de son patrimoine, seraient exclues de l’assiette imposable.

C’était déjà une carence de l’ISF. En effet, l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault, payait 2,24 millions d’euros d’ISF en 2015 selon le Canard Enchainé, soit une goutte d’eau par rapport à sa fortune. Cela était dû à cette exclusion des biens professionnels et au « bouclier fiscal ».


[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/5432517?sommaire=5435421

Le poison nationaliste est le véritable danger

Le capital a d’ores et déjà gagné l’élection présidentielle. Jamais l’extrême-droite n’a défendu les intérêts des travailleurs et travailleuses et Marine Le Pen ne fait pas exception.

Le prétendu intérêt de la candidate pour les classes populaires n’est qu’un leurre pour mieux faire progresser son idéologie xénophobe, raciste et antidémocratique. Une victoire de Marine Le Pen dépasserait de très loin les questions économiques. L’extrême-droite, une fois au pouvoir, ne le lâche plus. Son entourage a déjà fait part de son intention de dissoudre l’assemblée à l’été en cas de victoire ; la stratégie d’utiliser autoritairement tous les moyens mis à disposition par la Vème république est le danger le plus grave et le plus immédiat. Les premières victimes seront les personnes immigré-es ou d’origine immigrées du fait de la « priorité nationale ». Il ne fait aucun doute que Marine Le Pen est l’alliée du capital, pour la division du monde du travail. Elle est l’ennemie absolue de tout le monde du travail, et l’ennemie de toute la CGT.

Repère revendicatif