L’Insee a publié ce mardi 22 novembre son rapport sur le portrait social 2022. L’édition de cette année revient notamment sur l’effet des mesures socio-fiscales (réductions d’impôts notamment) mises en place en 2020 et 2021.
Une nouvelle confirmation par les chiffres de l’accroissement des inégalités et de la politique du coup par coup pour les plus pauvres.
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Des mesures qui profitent surtout aux plus aisés
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Outre les mesures exceptionnelles (chèque inflation, revalorisation du chèque énergie, etc), les années 2020 et 2021 ont surtout été marquées par la baisse de l’impôt sur le revenu[1] et la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation, notamment pour les ménages les plus aisés.
Nous l’avions mis en avant dès juillet 2019, l’extension de la suppression de la taxe d’habitation aux 20% les plus aisés ne pouvait être qu’une nouvelle source d’injustice fiscale[2].
Pour les 10% les plus modestes, l’effet moyen de ces mesures est de 30€ par an. Pour les 10% de ménages juste en-dessous du niveau de vie médian, le gain moyen est de 180€. Enfin, pour les 10% les plus aisés, le gain est de 420€ par an en moyenne.
Certains trouvent toujours le moyen de relativiser en disant que 30€ ça représente beaucoup pour les plus pauvres tandis que 450€ ce n’est rien pour des ménages avec de tels niveaux de vie. C’est vrai d’une certaine manière. C’est bien pour cela que rien ne justifie de se priver d’autant de recettes fiscales qui ne changent rien au quotidien de ces ménages aisés alors qu’en les redistribuant aux plus modestes, l’effet serait immédiat et beaucoup plus important.
Les conséquences sont sans appel, ces mesures provoquent une augmentation du taux de pauvreté de 0,3 point, contrebalancé par les mesures exceptionnelles, qui bénéficient elles davantage aux plus modestes comme nous allons le voir maintenant.
[1] La deuxième tranche de l’impôt sur le revenu est passée de 14% à 11%[2] Voir Mémo éco : - Taxe d'habitation, cheval de Troie du Président Macron
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Mesures pérennes pour les plus aisés versus mesures exceptionnelles pour les plus modestes
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Comme nous l’avions signalé dans la lettre éco de décembre 2021/janvier 2022[1], au-delà même du montant que représentent les mesures, les mesures ciblées sur les plus modestes sont essentiellement des mesures exceptionnelles.
Comment ne pas y voir une volonté malsaine de maintenir les ménages les plus modestes dans la dépendance des pouvoirs publics en place qui peuvent alors accorder quelques « cadeaux » quand la situation devient intenable ? Les ménages modestes ont besoin de visibilité et de moyens supplémentaires sur le long terme. Il est impossible de sortir durablement de la précarité avec des aides ponctuelles.
En 2021, les mesures pérennes ont représenté en moyenne un gain de 20€ par an pour les 10% des ménages les plus modestes contre 250€ pour les 10% les plus aisés. Au contraire, les mesures exceptionnelles se sont élevées en moyenne à 70€ pour les 10% les plus modestes contre 10€ pour les 10% les plus aisés.
Non seulement le montant total est bien plus fort pour les plus aisés mais surtout ils vont continuer à profiter de ce gain chaque année quand les mesures exceptionnelles pour les plus modestes ont-elles disparu ou sont en voie de disparaître.
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Conclusion
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Face à de tels constats, il est nécessaire d’augmenter le niveau des prestations sociales mais surtout d’assurer à toutes et tous les actif-ve-s l’accès à un emploi comme le prévoit le préambule de la Constitution de 1946.
Les aides « exceptionnelles » placent les ménages modestes dans une situation de dépendance au « fait du prince » totalement inacceptable. L’accès à une vie digne n’a pas à se quémander.
Face au triomphalisme du gouvernement, qui se félicite d’avoir diminué les prélèvements sur les ménages, il est primordial de voir la contrepartie de ces baisses d’impôts. La suppression de la taxe d’habitation se chiffre à près de 20 milliards d’euros par an et la baisse de l’impôt sur le revenu à plus de 5 milliards d’euros par an. Le gouvernement doit assumer jusqu’au bout et signaler clairement quels services publics ont été dégradées pour compenser ces pertes de ressources ou bien quels autres impôts, moins visibles, ont été augmentés.
Si le revenu disponible augmente mais que les services publics s’éloignent ou se dégradent, cela oblige à de multiples déplacements, à poser des jours de congés pour s’y rendre ou même pousse au renoncement aux soins, aux prestations… Dans ce cas, où est l’intérêt pour le contribuable ? Ni l’impôt, ni la cotisation ne sont l’ennemi du monde du travail ; ils sont la contrepartie de nos services publics, de ce que nous mettons en commun. Et c’est bien ce qui nous est commun que le gouvernement s’est fixé pour but de détruire.