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Selon une étude Agefiph/IFOP d'octobre 2022, parmi le "niveau d'inquiétude pour les prochains mois d'être atteint par diverses difficultés", la réforme des retraites annoncée est la première source d'inquiétude pour les personnes en situation de handicap interrogées (87% au total expriment une inquiétude sur ce sujet).
Une inquiétude bien légitime : réformer les retraites, la durée de cotisations, l'âge légal de départ à la retraite ou encore le système de calcul des pensions ont des effets désastreux et directs sur les travailleur.euse.s handicapé.e.s.
Que ce soit par les possibilités de départ anticipé, le maintien dans l'emploi ou le montant de la pension, les travailleur.euse.s handicapé.e.s subiront de plein fouet une réforme injuste.
- Rappel des chiffres
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Les travailleur.euse.s handicapé.e.s représentent 1 actif sur 10, c’est plus de 2,7 millions de travailleur.euse.s ayant une reconnaissance administrative du handicap.
32% d’entre eux travaillent à temps partiels, ils.elles sont plus vulnérables au chômage de longue durée (919 jours d’ancienneté moyenne d’inscription au chômage contre 706 jours pour l’ensemble du public), 482 373 travailleur.euse.s handicapé.e.s étaient inscrits à Pole Emploi en juin 2021, dont 63 % en situation chômage de longue durée. Le taux de chômage est de 7,4% pour l’ensemble de la population active au 2ème trimestre 2022, ce taux de chômage est de 14% pour les travailleur.euse.s handicapé.e.s.
- Emplois, cotisations et difficultés des travailleur.euse.s handicapé.e.s
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Les travailleur.euse.s handicapé.e.s sont âgées, pour 45% d’entre eux, de plus de 50 ans. Un âge charnière où plus l’on vieillit, plus le parcours professionnel est en dent de scie et les risques de désinsertion et de précarité se font ressentir sur les actifs. Pour exemple, en 2020 en moyenne, 10,1% des 55-64 ans occupant un emploi sont en situation de sous-emploi, c'est-à-dire en temps partiel subi ou au chômage technique ou partiel (taux de sous-emploi) et 6,1% de ceux qui sont salariés le sont en contrat temporaire[1].
Si cette période est déjà difficile à appréhender pour l’ensemble de la population, elle l’est plus encore pour les travailleur.euse.s handicapé.e.s.
Les personnes en situation de handicap passent en moyenne 8,5 années sans emploi après 50 ans (contre 1,8 ans pour l’ensemble de la population). Une situation qui pousse les travailleur.euse.s handicapé.e.s à retarder au maximum le départ à la retraite pour valider le plus de trimestres possibles. Ils.elles liquident leur retraite à 62,4 ans en moyenne, 0,3 ans de plus que l’ensemble de la population[1].
Ces 8,5 années sans emploi après 50 ans en moyenne pour les travailleur.euse.s handicapé.e.s représentent déjà un sérieux problème pour la retraite à cause des réformes précédentes. Par ces 8,5 années en moyenne, les travailleur.euse.s handicapé.e.s subissent de plein fouet le système de décote et de fait la baisse des pensions.
Ainsi, si cette période du parcours professionnel est déjà peu engageante pour les travailleur.euse.s, elle est aggravée pour les travailleur.euse.s handicapé.e.s. Quelles perspectives se dressent alors pour les travailleur.euse.s ? Si l’emploi se rarifie et l'usure se fait sentir après 50 ans, faut-il s’attendre à une compétition -véritable course contre la montre- entre travailleur.euse.s valides et en situation de handicap ?
[1] Les personnes ayant des incapacités quittent le marché du travail plus jeunes mais liquident leur retraite plus tard. DREES numéro 1143 Février 2020.
- RAPPEL : Quelles conditions pour partir en retraite anticipée aujourd'hui ?
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Trois conditions sont nécessaires, aujourd’hui, pour partir en retraite anticipée :
- Une durée totale de trimestres cotisés et assimilés selon la date de naissance et l’âge de départ. Dans la mesure où les travailleur.euse.s handicapé.e.s sont plus vulnérables au chômage (et notamment au chômage longue durée), il s’agit là d’une difficulté déjà bien présente.
- De plus, le compte de trimestres est soumis à un nombre plancher (une différence de 20 trimestres maximum est tolérée entre le nombre de trimestres cotisés et le nombre de trimestres assimilés). Ainsi si un travailleur handicapé a passé plus de 5 années en maladie ou en chômage (correspondant donc à 21 trimestres), il ne peut pas prétendre à une retraite anticipée.
- Justifier d’une incapacité permanente d’au moins 50% ans sur l’ensemble de la durée des trimestres ou d’une reconnaissance RQTH pour les périodes antérieures à 2016.
- Réformer les retraites, c'est attaquer les travailleur.euse.s handicapé.e.s
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L’allongement de la durée de cotisation et le report de l’âge de départ à la retraite ont donc une conséquence directe sur les possibilités de départ en retraite anticipée : déjà difficilement atteignable en l’état, elle sera un véritable parcours de combattant pour les travailleur.euse.s handicapé.e.s. Comme on l’a vu, les travailleur.euse.s handicapé.e.s connaissent en moyenne 8,5 années sans emplois après 50 ans (la moyenne d’âge de base des travailleur.euse.s handicapé.e.s) ce qui les empêchent de partir généralement de manière anticipée selon les règles de calcul en usage et le nombre de trimestres nécessaires.
Une réalité qui impact aussi sérieusement les possibilités de disposer d'une pension complète. Le système de décote des pensions mis en place mine les ressources des retraité.e.s en situation de handicap, alors même que ces derniers rentrent dans une période de vie où les besoins de santé et d'aides humaines peuvent s'intensifier et représenter un cout financier accru.
Enfin, les questions de pénibilités ou de discriminations peuvent s'accentuer aux alentours de la dernière décennie du parcours professionnel, comme en atteste ces 8,5 années en moyenne sans emploi. Reporter l'âge de départ à la retraite ne permettra pas une meilleure embauche des travailleur.euse.s handicapé.e.s mais reportera plutôt la période de précarisation et d'instabilité qui caractérise la pré-retraite.
Autant de réalités qui ne feront que s’aggraver avec un report de l’âge légal de départ à la retraite et qui n’offrira qu’un avenir funeste et précaire pour l’ensemble des travailleur.euse.s handicapé.e.s.
- Revendications CGT : pour une véritable prise en compte de la pénibilité et des départs anticipés
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Pour la CGT, les dispositifs de départ anticipé doivent être amélioré pour répondre aux besoins et aux réalités des travailleur.euse.s handicapé.e.s. La course au trimestre et la menace de la décotte ne doivent plus être une pénalité pour des travailleur.euse.s déjà pénalisé.e.s par un monde du travail hostile.
Les dispositifs de départ anticipé propres aux régimes dits "spéciaux" ou pionniers doivent être maintenus car répondant aux contraintes professionnelles et à leur reconnaissance.
Aussi, il est nécessaire de prendre compte les pénibilités et leur exposition dans l'âge et les conditions de départ à la retraite, par la possibilité d'un départ anticipé jusqu'à 5 ans avant 60 ans selon les années d'expositions.