Diverses mesures relatives à la formation professionnelles sont incluses dans le plan de relance. Voici les principales mesures et un focus sur le dispositif "Transitions collectives".
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Le volet formation du plan de relance en chiffres
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Le volet « Emploi, formation, compétences », inscrit dans la partie « Cohésion sociale et territoriale » du plan de relance, prévoit :
1,7 milliard sur le volet formation professionnelle ; 1 milliard pour sauvegarder l’emploi en renforçant le fonds national pour l’emploi formation (FNE formation) ; 2 milliards d’aides à l’embauche d’apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation.
2 MILLIARDS D’AIDES À L’EMBAUCHE D’APPRENTIS ET DE SALARIÉS EN CONTRATS DE PROFESSIONNALISATION
1,2 milliard d’aide aux employeurs d’apprentis, 0,8 milliard d’aide aux employeurs de salariés en contrats de professionnalisation. Aide financière exceptionnelle pour la 1re année d’exécution des contrats conclus entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. L’aide s’élève à 5 000 euros pour un apprenti/alternant de moins de 18 ans et 8 000 euros pour un apprenti/alternant majeur, par contrat préparant à un diplôme jusqu’au master (bac + 5 = niveau 7 du RNCP).
À noter : cette mesure s’inscrit dans une démarche plus large de libéralisation de l’apprentissage, le risque est donc grand d’un effet d’aubaine de la part des employeurs qui pourraient aussi en profiter pour multiplier les CFA d’entreprise.
1,7 MILLIARD D’EUROS SUR LE VOLET FORMATION PROFESSIONNELLE
100 millions de dotation complémentaire aux associations « Transitions Pro ». L’objectif est de permettre le financement de formations certifiantes pour des salariés souhaitant changer de métier ou de profession dans le cadre d’un projet de transition professionnelle. France Compétences attribuera aux associations Transition Professionnelle régionales une dotation de 100 millions pour une prise en charge d’environ 5 000 bénéficiaires (coût moyen estimé à 20 000 €).
À noter : ce projet de transition professionnelle remplace le CIF mais son financement est largement insuffisant (divisé par 2 par rapport au CIF). De plus, lors de sa mise en œuvre, le compte personnel de formation du salarié qui s’engage dans un projet de transition professionnel peut être ponctionné.
270 millions pour le renforcement de la Pro-A. Renforcement du dispositif de reconversion ou promotion par alternance (Pro-A) qui permet aux salariés de se former à un métier par l’acquisition d’une certification professionnelle en alternance. La Pro-A peut être un levier pour le maintien dans l’emploi dans les secteurs en proie à de fortes mutations.
À noter : le financement de la Pro-A nécessite un accord de branche étendu par le ministère du Travail. Or cette procédure d’extension est véritablement congestionnée et plusieurs accords de branche sont actuellement bloqués.
25 millions pour abonder les CPF utilisés pour des formations à des métiers stratégiques. La mesure vise un abondement à 100 % du reste à charge d’un dossier de formation mobilisé dans le cadre d’un CPF si ces formations portent sur des « secteurs stratégiques. » Objectif de former 25000 personnes (coût moyen estimé à 1 000 €).
200 millions pour digitaliser les contenus pédagogiques de la formation professionnelle. Cette mesure vise notamment à « généraliser l’équipement de tous les organismes de formation d’une plateforme digitale et mettre à disposition des organismes de formation et des CFA une solution de service publique » et à « concevoir des parcours de formation hybrides, appuyés par la création de modules digitaux, permettant notamment d’apprendre, grâce à la réalité virtuelle, des gestes professionnels en ligne, en priorité dans les filières stratégiques du plan de relance. Ces modules digitaux seront mis à la disposition gratuitement des organismes de formation dans une logique de patrimoine commun ».
À noter : une action de formation ne se déroule pas seulement avec le formateur, l’interaction au sein du collectif de stagiaires participe à en enrichir le contenu.
160 millions pour développer la formation à distance (FOAD). L’objectif est d’augmenter le potentiel d’offres de formation à distance en abondant de 160 millions l’appel à projets du PIC qui avait permis début 2020 d’investir 67 millions pour mettre à disposition de Pôle emploi 150 formations à distance.
106 millions pour revaloriser la rémunération des adultes en formation. La mesure prévoit une revalorisation portant la rémunération de tous les stagiaires de plus de 25 ans révolus à 652,02 € (hors personnes à mobilité réduite) et l’instauration d’une prime de 150 € à l’entrée en formation.
87 millions pour revaloriser la rémunération des stagiaires pour les jeunes. La mesure prévoit une revalorisation de 200 € pour les jeunes de 16-18 ans et de 500 € pour les jeunes de 18 à 25 ans, l’instauration d’une prime de 150 € à l’entrée en formation et le maintien de la rémunération de fin de formation pour tous les jeunes stagiaires indemnisés engagés dans une formation.
750 millions pour renforcer les moyens d’intervention de France compétences. La mesure vise à donner à France compétences les moyens de financer l’alternance sur 2021 et 2022 dans le contexte de la baisse de ses ressources (puisque basées sur la masse salariale) et de la montée en charge de l’alternance du fait des aides accordées.
À noter : France compétences est devenue l’instance unique de gouvernance de la formation professionnelle avec une prépondérance de l’État et des collectivités territoriales, qui disposent de plus la moitié des voix. La marge de manœuvre des organisations syndicales est très faible puisque toutes les décisions sont prises en amont par le gouvernement.
1 MILLIARD POUR RENFORCER LE FNE FORMATION
Le fonds national pour l’emploi formation est abondé d’un milliard d’euros pour « la formation des salariés en reconversion ou en risque de chômage ». Ce dispositif est dédié à la formation des salariés placés en activité partielle ou en activité partielle de longue durée pour que la baisse de leur temps de travail soit consacrée à la formation. Les salariés sont maintenus dans l’emploi pendant toute la durée de la formation.
L’objectif est de former 250 000 salariés en 2021. Une priorité est attribuée aux « métiers stratégiques » portés par « France relance ».
Les conditions de prise en charge sont :
- pour les salariés en activité partielle : taux de prise en charge par l’État de 100 % des coûts pédagogiques jusqu’au 30 septembre puis 70 % à compter du 1er octobre 2020
- pour les salariés en activité partielle longue durée : taux de 80 %.
LA FORMATION PROFESSIONNELLE POUR L’ÉMANCIPATION DES SALARIÉS
Toutes ces mesures du plan de relance sont le fruit d’une vision adéquationniste et court-termiste de la formation professionnelle. Le gouvernement a un objectif unique et dogmatique : financer la formation professionnelle uniquement si elle répond rapidement aux « besoins du marché », donc aux besoins immédiats de main-d’œuvre des entre- prises, et ce quels que soient les emplois et les conditions de travail proposés.Pour la CGT, la formation professionnelle ne doit pas être tournée uniquement vers l’insertion professionnelle immédiate. Elle doit donner l’accès à une culture générale et une culture professionnelle de qualité, garantie d’émancipation et d’évolution à long terme.
Les 100 millions de dotations complémentaires aux ATpro (associations Transition Pro, ex Fongecif) pour financer les transitions professionnelles individuelles ne suffiront pas. Il faudrait au minimum 400 millions d’euros supplémentaires pour revenir au niveau de financement du CIF.
Distribuer des primes aux entreprises sans leur imposer de contreparties ne crée pas de l’emploi. Pour la CGT, il est donc impératif de leur imposer des contreparties à la fois sur le maintien et la pérennisation des emplois mais aussi sur la nécessaire transformation des outils de production pour répondre aux exigences de l’urgence écologique.
Concernant les aides massives à l’embauche d’apprentis/alternants, le patronat s’en réjouit car cela correspond à l’embauche gratuite ou quasi gratuite de main-d’œuvre jeune (0 euro la 1re année pour les apprentis de moins de 20 ans et 175 euros par mois pour les plus âgés). Avec ces mesures, les entre- prises risquent d’être incitées à remplacer un alternant sortant par un nouvel alternant au lieu de proposer un contrat durable. De plus, l’alternance risque d’entrer en concurrence avec de potentiels recrutements. Ces aides à l’embauche devraient donc être assorties de contreparties et modulées a minima en fonction de la taille de l’entreprise et de sa situation financière.
Pour la CGT, les mesures du plan de relance relatives à la formation professionnelle ne répondent ni aux besoins des salariés, des jeunes et de leurs familles, ni aux besoins de l’économie nationale en termes d’élévation des niveaux de qualification. Elles visent essentiellement à répondre aux « besoins du marché » et il y a un grand risque qu’elles constituent un effet d’aubaine pour bon nombre d’entreprises et d’organismes de formation. À l’opposé des logiques adéquationnistes, la CGT revendique l’accès à un service public de la formation professionnelle qui doit être financé de manière égalitaire sur tout le territoire. Les campagnes idéologiques successives tentent de faire de la formation professionnelle et de l’apprentissage la solution miracle pour lutter contre le chômage, mais, nous le savons tous, la formation ne crée pas l’emploi.
Vous trouverez ci-après la note complète en téléchargement.
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Focus sur le dispositif Transitions Collectives
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La Ministre du travail a officialisé, le 1er février, le lancement du dispositif « Transitions collectives ». Pour le Gouvernement, les transitions professionnelles interbranches (d'un secteur professionnel à un autre) sont l’un des éléments essentiels de la réussite du volet social de son plan de relance. Ce sujet a donc été au cœur de discussions durant plusieurs mois entre Ministère du Travail, organisations syndicales et patronales.
Le principe :
Ce nouveau dispositif territorial de reconversions professionnelles s’adresse à des salariés dont les emplois sont menacés, notamment en activité partielle et/ou en activité partielle de longue durée, et qui se positionnent vers un métier porteur localement, via une formation et/ou une démarche de VAE (Validation des Acquis de l’Expérience).Sur le territoire :
Le dispositif va s’appuyer sur des projets portés par différents acteurs territoriaux (CCI, branches, entreprises, collectivités, organisations patronales et syndicales...) qui se sont proposés pour être pilotes du projet.
En exemple, on peut citer les projets de territoires d’industrie inter-régionaux qui proposent d’être des passerelles entre les entreprises du territoire et faciliter ainsi la mise en relation ou encore un constructeur automobile qui propose de mettre au service du collectif son réseau de partenaires, son savoir-faire en ingénierie formation et transition professionnelle dans 6 régions…Les métiers porteurs :
Au niveau régional, les CREFOP (Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles), instances quadripartites (Etat, région, organisations syndicales et organisations patronales), constituent et valident les listes des métiers porteurs à partir de plusieurs listes et travaux déjà réalisés. Les listes établies en 2020 pourront être complétées en 2021 à une maille territoriale plus fine que la région.
En théorie, les métiers porteurs ne se confondent pas avec les métiers en tension. Il faudra y veiller en pratique.
Dans l’entreprise :
Le dispositif passera par la négociation collective.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, il sera soumis à un accord « type GEPP » - Gestion des Emplois et Parcours Professionnels (ex : GPEC : Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) pour identifier les métiers menacés. Un accompagnement est possible pour les entreprises de moins de 50 salariés par les OPCO (Opérateurs de compétences) et les DIRECCTE pour les 50/250 salariés (Cf. dispositif DiagRH).
Au-delà de l’accord GEPP, les OPCO peuvent en amont identifier les entreprises potentiellement concernées, présenter le dispositif et accompagner particulièrement les TPE/PME en s’appuyant sur l’expertise des observatoires de branches
Les entreprises de plus de 300 salariés s’appuieront quant à elles sur leur accord GPEC que le code du travail rend obligatoire.
De plus, un référent pourra être désigné dans l’entreprise pour suivre la mise en œuvre des parcours.Pour le salarié :
Pour bénéficier du dispositif « Transitions collectives », le salarié devra répondre à toutes les exigences du Projet de Transition Professionnelle (PTP), qui existe depuis la loi du 5 septembre 2018, support juridique retenu pour les « Transitions collectives » (cf Guide CGT sur la formation professionnelle «S’informer, se former, s’émanciper ») : avoir travaillé 24 mois dans l’entreprise et être en CDI, CDD ou contrat avec une entreprise de travail temporaire. De plus, le projet du salarié sera soumis aussi à d’autres critères : changement de métier ou de profession vers un métier porteur (liste), formation certifiante d’une durée maximum de 24 mois ou 2400 heures.
Le salarié doit être volontaire, avec toutes les réserves de vigueur s'agissant du volontariat dans le cadre du lien de subordination.
Il sera accompagné par un CEP (Conseil en Evolution Professionnelle) tout au long de son parcours : aide à la définition de son parcours au regard de son projet, de ses acquis, de sa situation professionnelle et personnelle et accompagnement dans la construction de celui-ci de A à Z.
A l’issue du dispositif :
Pour rappel, l’objectif premier du dispositif est d’organiser une transition d’un métier vers un autre en évitant le licenciement.
Dans le scénario idéal, le salarié trouve un emploi correspondant à son parcours de reconversion – entreprise identifiée en amont ou pendant le parcours avec l’accompagnement de pôle emploi.
Sinon, le dispositif prévoit que le salarié réintègre son poste de travail ou poste équivalent dans l’entreprise.
Le point le plus critique est éviter les effets d’aubaine de certaines entreprises qui pourraient inciter leurs salariés à s’engager dans le dispositif Transitions Collectives et ainsi contourner à terme l’obligation d’établir un PSE avec toutes ses obligations, ce qui leur permettraient de supprimer des emplois sans « trop de contraintes ». Des éventuelles ruptures de contrats qui suivraient des retours dans l’entreprise après la formation doivent être encadrées, comme le sont les licenciements économiques et ne peuvent donner lieu à des ruptures conventionnelles individuelles.Le financement
L’Etat, via le FNE-formation (budget global de 500 millions d’euros pour financer environ 20 000 projets dans le cadre du plan de relance et des fonds européens spécifiques), prend en charge via les associations de transitions professionnelles (ATPro) qui instruisent les dossiers :- 100 % du coût du projet de reconversion (rémunération + frais pédagogiques de la formation) pour les entreprises de moins de 300 salariés
- 75 % pour les entreprises de 300 à 1000 salariés ; les 25% restants seront pris en charge par l’entreprise
- 40 % pour les entreprises de plus de 1000 salariés ;
- les 60 % restants seront pris en charge par l’entreprise Les financements par l’entreprise peuvent être partagés avec une entreprise d’accueil préalablement repérée
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Positionnement et revendications de la CGT sur ce dispositif
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Pour la CGT, ce dispositif ne doit pas concerner que des suppressions d’emploi mais doit être un outil aux mains des salariés pour anticiper les transformations du travail et des emplois, en lien avec les transitions environnementales.
Nous veillerons à ce que, dans la période, ce dispositif représente pour les salariés dont les emplois sont menacés, une opportunité qui permet de ne pas passer par la case chômage. Il doit pouvoir permettre d’être dans une sorte d’anticipation pour aller vers un nouveau métier alors que le salarié est toujours en contrat de travail. Nous avons avancé des propositions pour faire de ce dispositif un véritable élément de sécurité sociale professionnelle. Le passage sans passer par la case chômage entre l’entreprise de départ et celle d’accueil post-formation sans perte de salaire et d’ancienneté a été l’une de ces propositions par exemple. Elle n’a pas été retenue.La CGT a aujourd’hui un certain nombre de réserves au sujet de ce dispositif :
- Son ouverture aux plus grandes entreprises reste le problème majeur et appelle à la plus grande vigilance pour qu’elles ne le détournent pas pour se substituer à leurs obligations envers les salariés, que ce soit en matière de formation professionnelle, reclassement, ou de licenciement économique.
- Il ne faut pas que les listes des métiers porteurs se restreignent simplement à celles des métiers en tension car mal rémunérés, aux conditions de travail très défavorables etc…Il faut aussi qu’elles soient discutées au regard des revendications de la CGT sur le développement industriel, la délocalisation des activités, l’innovation, les filières, etc… et en lien aussi avec nos analyses sur les services publics, qui pointent un manque d'effectifs dans les hôpitaux, tribunaux, collèges, lycées…
- Pour la CGT, l’investissement d’un salarié dans un parcours de reconversion, suite à l’annonce de menace sur son emploi est une source d’inquiétude et de tension, il faut donc simplifier la lisibilité du dispositif et surtout lui donner plus d’assurance sur une validation rapide de son projet.
- La réussite du dispositif passe tout d’abord par un renforcement de l’accord d’entreprise préalable qui sera ce qui valide le projet global. La CGT avait porté la revendication qu’un véritable accord négocié avec les organisations syndicale soit la base du dispositif. Cet accord devait permettre une véritable analyse et état de lieux des outils de production basé sur le travail et l’expertise des salariés. La consultation du CSE n’est pas suffisante pour les entreprises de plus de 300 salariés et pour les plus petites entreprises, qui ne disposent pas de CSE, nous avons proposé un droit d’entrée des organisations syndicales, à l’instar de ce qui avait été organisé au moment des 35 heures. De même, les salariés désignés dans les commissions paritaires des TPE devraient pouvoir être mandatés pour intervenir à la demande des salariés pour les accompagner dans la négociation de l’accord. Dans la même logique, les conseillers de salariés auraient pu avoir les mêmes prérogatives et être sollicités dans les mêmes conditions.
- Par ailleurs, la responsabilité des donneurs d’ordres sur les sous-traitants n’apparaissant pas dans le texte, nous avions demandé que les entreprises sous-traitantes de moins de 300 salariés puissent bénéficier de l’accord de filière
- Enfin, si le gouvernement a réuni les organisations syndicales et patronales pour tenter de trouver des réponses aux fortes menaces qui pèsent sur l’emploi salarié, il n’a été pas capable de sortir de son logiciel de stratégie du ruissellement et d’aides publiques aux entreprises sans conditions ni contrôle.
Nos revendications :
Dès le mois de juin, la CGT a souhaité mettre au débat avec le Gouvernement la réactualisation d’un dispositif type « Contrat de Transition professionnelle », qui avait été expérimenté après la crise de 2008 sous l’impulsion de la CGT. Il avait pour objectif de permettre le retour à l’emploi des salariés licenciés pour motif économique (développement). Nous avons proposé qu’il soit adapté pour répondre aux enjeux de maintien dans l’emploi des salariés, que ce soit aujourd’hui face à la crise économique et sociale et demain face aux transformations des outils de production, en lien avec les transitions écologiques.Pour l’heure, il n’est pas officiellement prévu que ce dispositif soit pérennisé. Si tel devait être le cas, nous repartirons